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l'harmonie dans l'entreprise familiale: au bureau et à la table de noël

Cession d'entreprise et charte familiale
20 décembre 2024

par Nikolas Vandelanotte, Veerle Cool et Florence Verschueren

L'harmonie dans l'entreprise familiale: au bureau et à la table de Noël

Les entreprises familiales sont un maillon important de notre économie et de notre société. Ces entreprises sont uniques en ce sens que la propriété, la gouvernance et les relations familiales sont étroitement liées. Un engagement fort et une vision à long terme sont souvent cités comme les forces décisives d'une entreprise familiale. Ces caractéristiques s'accompagnent toutefois de défis spécifiques. La dynamique familiale peut influer sur la prise de décision, et l'équilibre entre les intérêts professionnels et personnels est tout un art. La succession au sein de la famille et la favorisation de l'innovation dans un monde en évolution rapide sont également des thèmes récurrents. Dans cet entretien, nous approfondissons les opportunités et les défis en jeu au sein d'une entreprise familiale, avec l'éclairage personnel de Nikolas Vandelanotte (troisième génération), et de nos conseillères en entreprise familiale Veerle Cool et Florence Verschueren.

Nikolas, Veerle et Florence
Nikolas, Veerle et Florence

« La grande différence avec une entreprise non-familiale, c'est la présence de plusieurs écosystèmes reliés entre eux comme les rouages d’une horloge », explique Veerle.  « D'une part, vous avez l'entreprise, qui doit fonctionner comme une machine bien huilée. D'autre part, vous avez l’écosystème familial, où les relations personnelles et les émotions jouent un rôle important. Il n'est pas toujours facile de séparer ces écosystèmes, mais il n'est pas non plus souhaitable que les conflits au niveau de l'entreprise s’invitent soudain à la table de Noël. En outre, chacun doit être à l'aise avec son propre rôle et ses ambitions. Si ce n'est pas le cas, les grains de sable s'infiltrent dans les rouages. Le consultant se doit de comprendre cette complexité et d'être attentif à la manière dont les changements dans un écosystème peuvent affecter l'ensemble.

Émotions

Dans une entreprise familiale, il est parfois difficile d'aborder ouvertement certaines questions. L'attachement émotionnel et l'histoire commune au sein de la famille entraînent souvent une certaine retenue, de peur de provoquer des conflits ou de nuire aux relations. Il peut en résulter des tensions et des malentendus qui restent inexprimés, mais qui, à long terme, peuvent nuire à la coopération et à la continuité de l'entreprise. « Notre culture flamande nous incite à éviter les conflits », explique Florence. Or, il est possible d'aborder les désaccords de manière constructive. « Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier, mais de nombreuses personnes n'ont pas reçu dans le cadre familial les outils nécessaires pour mener des conversations difficiles et émotionnelles. La génération qui passe la main aujourd'hui en particulier, n'a souvent jamais eu cette expérience avec ses parents. C’est un paramètre important dans notre accompagnement. Le conseiller externe peut aider tous les membres de la famille à faire entendre leur voix. »

Veerle ajoute : « Souvent, c'est aussi par amour ou par respect mutuel que certains n'osent pas dire exactement ce qu'ils pensent. Sans notre intervention, les questions de succession prendraient parfois une toute autre tournure. Je me souviens d'une situation où les parents se sentaient presque émotionnellement obligés de laisser l'entreprise à leur fille, qui était déjà active dans l'entreprise. Cependant, ils n'étaient pas sûrs qu'elle serait capable d'assumer cette responsabilité. Dans le même temps, la fille se sentait acculée : tous les regards étaient tournés vers elle, alors qu'elle n'était pas sûre de vouloir reprendre l'entreprise. Grâce à notre médiation, ces incertitudes latentes sont apparues au grand jour et nous avons suggéré un contrôle familial plutôt qu'une succession directe. Ils ne seraient jamais arrivés à cette solution tous seuls. Les propriétaires d'entreprises familiales considèrent la succession familiale comme un scénario privilégié parce qu'ils ont à cœur de transmettre l'œuvre de leur vie à la génération suivante. En même temps, d’autres parents ont une vision plus nuancée de la question, parfois même protectrice, et se disent: « Je ne veux pas imposer à mon enfant la même pression ou les mêmes défis que ceux que nous avons connus. » Il convient alors d'envisager d'autres pistes. Dans le cas d'un contrôle familial, par exemple, la famille reste actionnaire, mais procède à l’engagement d’un gestionnaire ou un PDG externe. Un autre scénario consiste à vendre complètement l'entreprise, en renonçant à la propriété familiale. Cette solution n'est souvent envisagée qu'en l'absence d'autre option, mais il est important de ne pas exclure ce scénario, car les successeurs peuvent avoir des ambitions qui ne cadrent pas du tout avec l'entreprise familiale. »

Je ne suis pas un manager classique, mais plutôt quelqu'un qui définit une vision stratégique et qui inspire. Où voulons-nous aller et comment y parvenir de manière durable et professionnelle ? Nikolas Vandelanotte , CEO
Nikolas Vandelanotte

Nikolas souligne également l’importance cruciale de l'interaction entre le développement de l'entreprise et les compétences du successeur. « J'ai eu la chance de pouvoir rejoindre l'entreprise à un moment où mes compétences correspondaient parfaitement aux besoins de l'organisation. L’adéquation aurait peut-être été moins bonne à un autre moment. Par exemple, je n'aurais pas pu faire la même chose que mon grand-père Roger, tout comme il n'aurait probablement pas pu faire ce que je fais aujourd'hui. Chaque génération apporte du renouveau. Mon grand-père était un véritable entrepreneur, quelqu'un qui faisait tout lui-même. La génération de mon père savait mieux déléguer et diriger, mais accordait moins d'importance au professionnalisme et à la structure. Mon oncle Hein se situait entre les deux et combinait les deux styles. Ensemble, nous étions la troisième génération et nous avons toujours bien travaillé ensemble, jusqu'à ce qu'il prenne sa retraite il y a quelques années. Je ne suis pas un manager classique, mais plutôt quelqu'un qui définit une vision stratégique et qui inspire. Où voulons-nous aller et comment y parvenir de manière durable et professionnelle ? Je m'appuie sur ce qui existe déjà et j'en tire parti, mais toujours en partant des valeurs fondamentales qui ont guidé constamment l'entreprise familiale. De cette manière, le leadership évolue avec chaque génération, s'adapte aux besoins de l'entreprise et à son époque. »

Lâcher prise

Lorsque de nouvelles générations intègrent une entreprise familiale, les défis sont différents de ceux relevés par les fondateurs ou les premières générations. Ces derniers étaient au berceau de l'entreprise et ont pu se développer progressivement, tandis que les jeunes générations prennent souvent immédiatement la tête d'une entreprise élargie et complexe. Il faut donc une solide préparation, des compétences spécifiques et un bon transfert de connaissances et de valeurs. « Diriger une entreprise qui a déjà atteint une certaine taille exige de la part de la jeune génération de solides compétences en matière de gestion », note Veerle. Il est donc important qu'ils soient bien préparés à leur intégration. Notre parcours Evolve est taillé sur mesure : nous aidons les jeunes successeurs à développer des compétences et des connaissances clés. Il est également essentiel qu'ils soient entourés d'un conseil consultatif ou de personnes expérimentées avec lesquelles ils peuvent échanger. La jeune génération doit comprendre le fondement de l’entreprise : qu'est-ce qui fait son succès, quelles sont ses valeurs fondamentales et quelles sont les fonctions et les processus essentiels ? En même temps, elle doit avoir suffisamment de marge de manœuvre pour apporter ses propres innovations et idées, de sorte que l'entreprise ne se contente pas de garder ce qui fonctionne, mais qu'elle évolue aussi vers l'avenir. »

Florence : « Une partie importante de cette transition est le lâcher prise de la part de la génération qui transmet. Cette étape peut commencer par des mesures pratiques, comme se retirer temporairement de l'entreprise. La jeune génération a ainsi la possibilité de prendre des décisions de manière indépendante, d'apprendre de ses erreurs et d'acquérir une véritable expérience. Mais la génération plus âgée doit également transmettre activement ses connaissances et rendre explicites des éléments qui sont souvent implicites ou qui n'existent que dans leur tête. C'est là que les choses se gâtent parfois : les connaissances ne sont pas suffisamment partagées, ce qui peut entraîner la perte d'informations cruciales. »

Nikolas recommande de ne pas laisser durer trop longtemps la période de transition entre l'ancienne et la jeune génération. « Les conseils de l’ancienne génération sont essentiels, mais ils ne doivent pas devenir une excuse pour continuer à diriger en arrière-plan. Il est important que la transition évolue vers un rôle de soutien à distance. C’est un piège que de penser que la formation du successeur n'est jamais terminée. La nouvelle génération doit être autorisée à tenir les rênes. En outre, l'idée que l'innovation se produit seulement au moment d'un changement de génération n'est pas viable sur le marché actuel. L'innovation doit être un processus continu, intégré à la culture de l'entreprise. Une entreprise familiale qui n'innove qu'une fois par génération court le risque de se retrouver rapidement à la traîne. »

« La capacité de l'ancienne génération à lâcher prise a souvent un impact direct sur la rapidité avec laquelle la jeune génération peut se développer », ajoute Veerle. « Ce processus est souvent progressif et évolue finalement vers une situation où les enfants occupent le devant de la scène et où les parents jouent un rôle de soutien en arrière-plan, avant de se retirer progressivement. Cette inversion des rôles suscite souvent des émotions fortes, pour les parents comme pour les enfants. Elle exige non seulement des dispositions pratiques, mais aussi une attention particulière à l'aspect humain de la transition. En particulier lorsque la génération plus âgée s'identifie fortement à l'entreprise et n'a que peu d'intérêts en dehors du travail, lâcher prise peut s'avérer difficile. C'est pourquoi nous les encourageons à développer d'autres activités ou intérêts en dehors de leur rôle dans l'entreprise. »

Veerle et Florence
Veerle et Florence

Charte familiale

Une charte familiale est un outil important qui sert de guide pour une bonne gouvernance et une continuité durable. La charte couvre des sujets essentiels tels que la vision commune du propriétaire, les valeurs familiales, la gouvernance, les carrières, la rémunération, la formation, la communication et la gestion des conflits. En établissant des accords clairs, elle permet d'éviter les conflits potentiels et de créer un équilibre entre tradition et innovation. Une charte familiale bien rédigée soutient non seulement les objectifs commerciaux de l'entreprise, mais renforce également l'harmonie au sein de la famille, ce qui est crucial à long terme.

Veerle : « Je constate que la jeune génération est demandeuse de l'élaboration d'une charte familiale. Les jeunes ont souvent constaté que l'absence d'accords clairs dans les générations précédentes a entraîné des dissensions et des conflits. De petits malentendus ou des attentes non exprimées peuvent se transformer en conflits importants et insurmontables. La jeune génération veut l'éviter en concluant des accords clairs à l'avance. Ces accords portent sur la manière dont ils vont gérer l'entreprise ensemble, sur la manière dont ils vont coopérer sur le plan opérationnel en tant que propriétaires et sur la manière dont ils vont préparer la passation à la génération suivante. Cette démarche sert de base lorsque des situations se présentent et évite d'avoir à prendre des décisions ad hoc. La trajectoire commence généralement par des conversations individuelles, mais à partir de là, elle se transforme en un processus de groupe. Le processus en soi est souvent plus important que le résultat final. Il s'agit d'apprendre à communiquer au sein de la famille, de dire les choses et de parvenir à un point de vue commun. Il est essentiel de ne pas s'enfermer dans des promesses vagues telles que "nous en parlerons plus tard", mais de persévérer jusqu'à aboutir à des accords concrets auxquels tout le monde adhère. »

« Une charte familiale n'est pas un document statique », ajoute Nikolas. « Il doit s'agir d'un document vivant qui évolue avec la famille et l'entreprise. Les gens changent, la vie apporte de nouveaux défis, et les accords doivent s’ajuster avec souplesse. Rien n’est immuable, c’est un processus continu qui évolue avec le temps. »

Les successeurs manquent souvent de connaissances financières parce qu'ils ne sont pas suffisamment informés et formés. Le danger est qu'ils voient surtout les aspects attrayants et beaucoup moins le stress, les incertitudes et les responsabilités qui accompagnent le succès. Florence Verschueren , Conseillère en entreprise familiale

Florence : « Cette approche reflète parfaitement notre rôle de conseiller. Chaque étape de la vie apporte des défis différents, et il est précieux d'avoir quelqu'un sur la touche. Souvent, l'accompagnement s'arrête lorsque la jeune génération a pris le relais, mais nous pensons qu'il est utile de continuer à les soutenir. À l'inverse, nous constatons également qu'il est de plus en plus important d'impliquer très tôt les enfants dans l'entreprise. Envisagez des accords dans une charte familiale sur des sujets tels que les stages, le travail pendant les vacances, la formation ou l’approche du conseil consultatif. Non seulement les jeunes auront ainsi une longueur d'avance sur le marché du travail, mais ils seront préparés à faire face à des situations inattendues, comme devoir prendre la relève en cas de décès prématuré de l'un des parents. Malheureusement, j'ai déjà pu constater les conséquences de cette situation dans certaines entreprises familiales. Il ne faut pas sous-estimer ce qui incombe alors aux héritiers et à l'entreprise. Les successeurs manquent souvent de connaissances financières parce qu'ils ne sont pas suffisamment informés et formés. Le danger est qu'ils voient surtout les aspects attrayants et beaucoup moins le stress, les incertitudes et les responsabilités qui accompagnent le succès. En les impliquant et en les éduquant dès l’enfance, ils sont plus forts dans leur tête et mieux préparés à ce qui les attend. »

Nikolas : « Une entreprise familiale est une réalité omniprésente, dès le plus jeune âge. C'était le cas pour moi, et c'est en partie le cas pour mes enfants. À mesure qu'ils grandissent, je pense qu'il est logique de leur transmettre des connaissances de manière plus structurée. Mes fils ont aujourd'hui 20 et 22 ans ; j'essaie de leur donner un aperçu de l'entreprise étape par étape. Par exemple, notre directeur financier leur a déjà expliqué la structure et les résultats du groupe. Je pense qu'il est important qu'ils comprennent comment fonctionnent les chiffres. Souhaitent-ils vraiment reprendre l'entreprise plus tard ? En tout cas, ils n'ont pas encore dit que non. » (rires)

Équilibre entre vie professionnelle et vie privée

Veerle note que les jeunes générations aspirent souvent à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Les jeunes veulent pouvoir consacrer du temps à leur famille, à leurs loisirs et à leurs activités sociales. Ce souhait découle de ce qu'ils ont observé chez leurs parents : une génération souvent complètement absorbée par l'entreprise familiale et donc moins présente pour ses enfants. Cette différence de priorités est parfois source d'incompréhension, la génération plus âgée ayant le sentiment que la plus jeune est moins disposée à faire des sacrifices.

Nikolas reconnaît l'importance de cet équilibre, mais souligne que le dévouement reste crucial. « Soyons honnête : c'est une opportunité fantastique que de commencer dans une entreprise familiale et de pouvoir la développer. Bien sûr, il faut s'investir. Vouloir quelque chose, c'est travailler dur pour l'obtenir, et les sacrifices sont inévitables. »

Il souligne néanmoins l'importance d'une approche durable. « Le but n’est pas de se tuer à la tâche. Diriger une entreprise familiale est un marathon, pas un sprint. Toutefois, si vous souhaitez avoir plein d’autres activités en parallèle, vous devrez peut-être vous demander si vous en avez vraiment envie. Pour être clair, tous les choix se valent. Est-ce une histoire de génération? Je ne crois pas. C'est surtout une question de motivation. En tant qu'entrepreneur, vous avez une responsabilité, non seulement vis-à-vis de vos collaborateurs et de vos enfants, mais aussi vis-à-vis des générations qui vous ont précédé. On peut discuter du principe d’exemplarité : vous ne pouvez pas attendre de votre équipe qu’elle soit pleinement engagée et motivée si vous ne l'êtes pas vous-même. »

Vandelanotte propose une approche multidisciplinaire pour l’accompagnement des entreprises familiales. Outre le soutien apporté à la succession familiale et aux questions de gouvernance, notre équipe M&A peut également conseiller et guider les processus d'acquisition et de vente. Nous veillons ainsi à ce que chaque partie concernée soit bien informée et à ce que la continuité de l'entreprise soit préservée de manière durable et équilibrée. Vous souhaitez en savoir plus ? Vous pouvez contacter nos experts via le formulaire ci-dessous.

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Nikolas Vandelanotte

Certified Auditor & Certified Accountant - Managing Partner nikolas.vandelanotte@vdl.be

Veerle Cool

Senior Manager HR Solutions veerle.cool@vdl.be

Florence Verschueren

Senior Manager HR Solutions florence.verschueren@vdl.be

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