par Biene Ongenaert
Les transferts de bénéfices sont depuis quelque temps déjà une première priorité pour l’OCDE, le G20 et l’Europe. Il en résulte toute une série de mesures diverses, appliquées entre autres dans le cadre du plan d’action BEPS. En instaurant l’obligation de documentation en matière de prix de transfert en 2016, la Belgique a fait un premier pas important dans la lutte contre l’évasion fiscale internationale. La nouvelle législation CFC est entrée en vigueur en Belgique le 1er janvier 2019. La Belgique accomplit ainsi un pas de plus sur cette voie. Alors que la première mesure se limite à l’obligation de documentation, la législation CFC est beaucoup plus proactive. Elle permet à l’Administration fiscale belge de taxer, à certaines conditions, les bénéfices étrangers à l’égard des actionnaires de contrôle belges.
La législation CFC (Controlled Foreign Company) vise à lutter contre les transferts de bénéfices vers des pays à faible taxation. La nouvelle disposition anti-fraude prévoit la possibilité de taxer les bénéfices étrangers (non versés) d’une filiale contrôlée auprès de la société mère/l’actionnaire belge contrôlant(e). Ce qui marque d’emblée la fin du principe de base actuel, selon lequel les bénéfices de filiales étrangères ou d’établissements étrangers ne relèvent pas du pouvoir d'imposition de la Belgique.
Il va de soi que tous les bénéfices étrangers ne peuvent être tout simplement taxés en Belgique. En vertu de la législation CFC belge, seuls sont taxés les bénéfices non versés d’une entité étrangère provenant de montages non authentiques mis en place essentiellement dans le but d’obtenir un avantage fiscal. La disposition vise ainsi notamment les revenus étrangers non versés de filiales qui proviennent en fait de fonctions-clés exercées en Belgique.
Un exemple (extrait de l’exposé des motifs) : une société belge transfère les droits intellectuels d’un logiciel qu’elle a elle-même développé dans une filiale établie en Hongrie. Ce logiciel fait toutefois toujours l’objet d'une mise à jour régulière par les collaborateurs de la société belge. Dans ce cas de figure, les fonctions-clés pertinentes se situent clairement en Belgique. En se basant sur les règles CFC, le bénéfice réalisé par la société hongroise dans le cadre de la vente ou de la location des licences d’utilisation de ce logiciel peut être taxé en Belgique.
Pour l’application de la législation CFC belge, il y a lieu de remplir cumulativement quatre conditions :
Le contribuable belge doit faire partie d'un groupe multinational (à savoir qu’il doit être établi dans plus d’un pays). Il y a lieu d’interpréter cette notion dans un sens très large : les établissements stables étrangers et les entités fiscalement transparentes étant également soumis à la législation CFC.
L’entité étrangère doit se situer dans un pays à faible taux d'imposition. Un taux d'imposition est considéré comme « faible », s’il s’élève à moins de la moitié du taux belge qui serait applicable si la société était établie en Belgique. Pour savoir s’il est question d’un faible taux d'imposition, il faut donc tenir compte tant du taux d’imposition lui-même que de la base imposable. Nous vous donnons un exemple pour mieux le démontrer.
En 2018, une filiale étrangère présente une base imposable de 100 EUR dans un pays qui applique un taux d’imposition de 15 p.c. L’impôt étranger à payer s’élève donc à 15 EUR. À première vue, il ne semble pas être question ici d’un « faible taux d’imposition », car un taux de 15 p.c., c’est plus de la moitié du taux d’imposition des sociétés en Belgique (29 p.c. à partir de 2018).
Toutefois, si nous calculons la base imposable de la société étrangère conformément à la législation belge, celle-ci s’élève à 200 EUR. Dans ce cas, la filiale se situe néanmoins dans un pays à faible taux d’imposition. Le taux d’imposition étranger effectif, compte tenu de la base imposable en Belgique, ne s’élève en effet qu’à 7,5 p.c. (un impôt de 15 EUR représente en effet 7,5 p.c. sur la base imposable belge de 200 EUR).
Le contribuable belge doit exercer un contrôle direct ou indirect sur l’entité étrangère. À savoir que le contribuable belge doit détenir plus de 50 p.c. des droits de vote, avoir une participation d'au moins 50 p.c. ou être en droit de percevoir la plus grande part du bénéfice.
Lors de l’instauration de la législation CFC, la Belgique a opté pour l’approche dite transactionnelle. En vertu de la législation CFC belge, seuls sont visés les bénéfices étrangers non versés, qui sont effectivement liés à des fonctions-clés belges.
D’autres pays européens ont opté pour l’approche « entité », dans laquelle certaines catégories de revenus passifs, tels que les dividendes, les redevances et les intérêts peuvent être taxés sous la législation CFC, sans tenir compte des activités de la société mère.
L’Administration fiscale belge avait déjà accru sérieusement les contrôles sur les prix de transfert au cours des dernières années. Les fonctionnaires chargés du contrôle des grandes entreprises (assistés dans cette tâche par la Cellule « Prix de transfert ») reprennent dorénavant les prix de transfert sur leur liste de contrôle. Il est de plus en plus essentiel de disposer d’une politique de prix de transfert transparente et cohérente.
L’impact de la législation CFC sera dès lors particulièrement limité pour les entreprises dont la politique de prix de transfert est en règle. Une bonne politique de prix de transfert garantit en effet une rémunération conforme au marché entre les sociétés liées, compte tenu des fonctions assumées, des risques et des actifs existants. De cette manière, une rémunération aux conditions du marché est par exemple déjà reprise dans le bénéfice de la société belge pour son intervention au niveau de la fonction-clé.
Malgré le calme relativement plat qui règne encore dans le cadre de la nouvelle législation CFC, il ne faut pas en sous-estimer les répercussions éventuelles sur les actionnaires de contrôle belges d’un groupe multinational. La législation CFC a par ailleurs été instaurée dans l’ensemble des pays européens le 1er janvier 2019.
Vous avez des questions sur la politique de prix de transfert ou sur l’impact de la nouvelle législation CFC sur votre société ? N’hésitez pas à contacter l’un de nos spécialistes à l’adresse e-mail contact@vdl.be.
Biene Ongenaert
Senior Advisor International biene.ongenaert@vdl.be
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