par Ivan Maes
Lorsque deux partenaires se marient, ils peuvent rédiger un contrat de mariage avant le mariage, mais aussi après. Ils y indiquent le régime matrimonial qu'ils souhaitent appliquer.
Bien que les variantes soient nombreuses, on distingue dans les grandes lignes trois régimes :
Si les (futurs) époux ne contactent aucun notaire (un contrat de mariage doit toutefois être passé devant le notaire), ils tombent automatiquement sous le régime légal. Il s’agit du régime où le patrimoine commun est généralement le patrimoine le plus important, car tous les revenus y arrivent à compter de la date du mariage. Cela concerne tant les actifs communs que les actifs propres. De même, les revenus professionnels des deux époux arrivent aussi dans la communauté. Les patrimoines propres des deux conjoints se composent uniquement des biens existant avant le mariage, des biens obtenus via une donation et/ou un héritage, ainsi que des remplois de ces actifs. Les revenus de ces actifs propres génèrent une grande confusion dans la pratique. Comme indiqué ci-dessus, les revenus des actifs propres font aussi partie de la communauté et ne sont donc pas propres.
C’est ce régime qui offre la plus grande solidarité entre les époux. Dans la pratique, après quelques années de mariage, il n’existe généralement plus de patrimoine propre, jusqu’au moment où surviennent des donations, par exemple des parents, ou des héritages.
Le régime de séparation de biens implique que chaque époux conserve ses actifs et revenus. Il n’existe aucun patrimoine commun. Les époux peuvent toutefois acheter les biens ensemble en indivision (par exemple la maison familiale) et ce bien indivis peut éventuellement être apporté à un patrimoine commun ajouté en interne. De cette façon, une part de solidarité peut être intégrée du point de vue du droit des régimes matrimoniaux. En général, les couples optent pour une séparation de biens lorsque l’un des époux est indépendant (pour la protection du risque) ou lorsqu’il existe un patrimoine familial important chez l’un des époux ou les deux époux.
Le régime de la communauté universelle, aussi appelé « régime du grand amour », établit que tous les biens et actifs sont communs. Seuls les biens très personnels restent propres. Ce régime est devenu rare à l’heure actuelle.
Chacun est libre de choisir le régime qu’il souhaite. Toutefois, nous constatons dans la pratique qu’outre cette réalité (juridique), certaines situations généralement différentes, surprenantes pour les intéressés et indésirables, se présentent du fait que les règles applicables ne sont plus appliquées de manière stricte ou correcte.
Quelles sont-elles ? Nous illustrons nos propos à l’aide de deux exemples concrets.
Jean et Marie sont mariés depuis 20 ans sous le régime légal, faute de contrat. Ils travaillent tous les deux. Au moment de leur mariage, aucun des deux n’avait de patrimoine, de sorte que tout ce qu’ils ont acquis ensemble est commun. Jean est passionné par la bourse et investit la plupart des économies du couple. À un moment donné, la mère de Marie décède et Marie reçoit un héritage important. Marie confie la gestion des épargnes acquises à Jean, qui, par facilité, place l’argent reçu sur leur compte commun et en assure la gestion. Quelques années plus tard, le sort s’acharne et Jean décède inopinément. Le conseiller fiscal ou le notaire du couple établit la déclaration de succession et la communauté est divisée de manière légale, faute d’une autre clause d’attribution éventuelle dans le contrat de mariage.
Dans cette communauté se trouve l’héritage reçu, qui a été placé sur le compte-titres commun. Doit-il être déclaré ? Pourtant, Marie vit encore et il s’agit de son propre argent. Déclarer cet argent, sans note explicative d’accompagnement, impliquera que l’Administration flamande taxera la moitié du compte commun. Sans accorder une attention particulière à l’origine de l’argent, on risque en effet de déclarer trop. Si Marie avait effectivement l’intention de rendre l’argent commun, elle devra payer des droits de succession sur celui-ci. Toutefois, on peut douter de cette intention. Il aurait été grandement préférable que Marie place cet argent sur son propre compte et donne ensuite à Jean un mandat de gestion. Comme ce fut le cas ici, vous risquez que votre propre argent devienne commun, alors que ce n’était pas l’objectif, avec quelques situations fiscales indésirables qui en découlent.
Charles et Marlène sont mariés sous le régime de séparation de biens, en conséquence d’un contrat de mariage passé devant le notaire familial. Marlène est employée et Charles a une société qu’il avait déjà avant le mariage. Sa société lui verse un salaire mensuel. Les choses se passent très bien les 15 premières années et la société est bénéficiaire. Cependant, toutes les bonnes choses ont une fin et Charles [HS1] doit concéder d’importants investissements pour pouvoir continuer à vendre ses produits. Bien souvent, il ne s’octroie pas de salaire ou ne s’octroie qu’un salaire partiel, qu’il laisse sur son compte courant. Ce compte marque le lien entre la société et sa vie privée. Les salaires non prélevés sont portés au crédit de son compte courant et il aimerait les prendre ultérieurement, lorsque la situation s’améliorera. Malheureusement, celle-ci ne fait que s’aggraver et un besoin urgent d’argent frais se fait sentir. Charles n’a presque plus d’argent. En revanche, Marlène a hérité d’une belle villa à la mer de sa maman. Ils prennent la décision de la vendre. Marlène transfère l’argent de son compte vers celui de la société. Étant donné qu’il existe déjà un compte courant, le comptable interne porte l’argent au crédit de ce compte courant. Personne ne se pose de questions, l’essentiel étant de sauver l’entreprise.
C’est ce qu’il se produit heureusement quelques années plus tard et l’entreprise constitue à nouveau de belles réserves. Cinq ans plus tard, le compte courant peut enfin être remboursé. Mais à ce moment, les relations se tendent entre les époux et le divorce s’avère inévitable. Charles pense que le compte courant ne doit pas être divisé et qu’il lui appartient entièrement. Mais est-ce exact ? D’un point de vue juridique, l’origine de l’argent doit être vérifiée. Celui-ci provient d’une part des salaires non prélevés de Charles (patrimoine propre de Charles) et d’autre part du gros versement ponctuel de Marlène constitué par la vente de la villa héritée de sa mère (patrimoine propre de Marlène). Il est évident que de telles situations peuvent susciter de vives discussions entre les deux parties. C’est la raison pour laquelle il est extrêmement important de pouvoir soumettre les preuves nécessaires. Cette situation aurait pu être facilement évitée en ouvrant un nouveau compte courant au nom de Marlène, en plus du compte courant de Charles.
Ces exemples soulignent l’importance de bien réfléchir au choix du régime matrimonial. Surtout, gardez à l’esprit que vous devrez agir à l’avenir en respectant les accords fixés au préalable. En général, le choix initial est en effet mûrement réfléchi, mais les époux agissent différemment pendant le mariage, tantôt de manière délibérée, tantôt de manière indélibérée.
Dans les structures de sociétés, il convient d’accorder une attention particulière à l’ouverture de comptes courants et à l’origine des fonds apportés. Ainsi, pour un couple marié sous le régime légal, qui sont tous deux actifs dans une société commune, il est préférable d’ouvrir trois comptes courants. Ceux-ci reflètent alors les bonnes proportions de leurs avoirs et des transferts du volet privé à la société, et inversement. Mais comme indiqué plus haut, il n’existe généralement qu’un seul compte courant. Il y a donc matière à réfléchir ! Ou comme le suggère le titre : est-ce à moi, à toi ou à nous deux ?
Ivan Maes
Certified Tax Advisor ivan.maes@vdl.be
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